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Le Crès

Quartier mixte-habitations, activités, agriculture et biodiversité / MOA : GGL+Ville du Grès / MOE : SOA+SOLENVIE SDP : 60HA

Quartier de la Plaine, Le Crès (34)

Ce projet urbain répond à un appel d’offre pour l’aménagement d’un nouveau quartier sur les terres agricoles imbriquées dans les méandres de l’agglomération montpelliéraine. Bien que doutant de la pertinence d’une telle quantité de bâtiments neufs et soucieux de l’impact de l’urbanisation des terres cultivées, ce projet relève des méthodes de l’urbanisme agricole. Face à l’inévitable urbanisation de cette emprise (décidée par la métropole et la chambre d’agriculture dans le cadre du schéma de cohérence territorial), le projet défend l’imbrication des fonctions urbaines, agricoles et naturelles et entend amorcer la mutation des tissus urbains monofonctionnels limitrophes. La stratégie vise donc à concevoir et construire un milieu à la fois habité par les humains et les non-humains et cultivé selon une trame capable de pénétrer les tissus « obsolètes » que sont les zones d’activités et les zones pavillonnaires qui les jouxtent.

Ce nouveau décor projette les différentes formes d’habitat à partir d’une analyse des valeurs biologiques et agronomiques des sols. Les zones arables sont cultivées selon leurs propriétés, tandis que l’habitat humain est construit sur pilotis de manière à libérer les sols les plus pauvres et à créer des milieux variés, à l’ombre, secs, humides, etc. au profit et à l’usage d’une large palette de faune et de flore. Imbriquées dans ces bandes habitées, les bandes agricoles permettent des cultures spécifiques et un réseau complémentaire de mobilité pour les animaux et les insectes. Les lisières sont multipliées et enrichies par ces imbrications de milieux et les échelles plus équitablement partagées entre espèces. Par exemple, le parvis de la grande place du quartier est strié d’un réseau dense de voies en herbe menant à des îlots végétaux, les limites de propriété aménagent des passages et des ponts animaux et les rues sont doublées de noues pour former des continuités de milieux humides.

 

Cette architecture ne distingue plus vraiment l’habitat du décor, ni l’humain de ses colocataires et propose un milieu qui tend à réduire sa dépendance aux autres milieux. Le remplacement des espaces verts par des productions agricoles compatibles avec l’habitat vivant modifie l’idée moderniste d’une opposition fonctionnelle et paysagère ville-campagne-nature pour invoquer une modernité orientée vers le défi de leur cohabitation : habitat décollé du sol, nouveaux outils de cultures sans intrants, recensement animal, gestion sanitaire, etc.

À l’heure du concours d’aménagement dont ce projet a fait l’objet, cette grande cohabitation trouve son équilibre économique dans le transfert de l’économie de la nature vers la gestion agricole des milieux vivants et de la production alimentaire, médicinale et autre. Les budgets habituellement dédiés à la création et à l’entretien des espaces verts de l’espace public, des résidences collectives, des jardins individuels et des innombrables abords des infrastructures commerciales et industrielles sont orientés vers des acteurs agricoles (déjà présents pour certains) qui prendront en charge l’ensemble de ces milieux et de leurs sols.